Sous le charme des autres fruits de Lorraine : trésors cachés à (re)découvrir

2 octobre 2025

Impossible de commencer ce tour gourmand sans rendre hommage à la quetsche. Cette prune violette veloutée, un peu moins célèbre que la mirabelle, est pourtant tout aussi emblématique de la région. Selon les chiffres de l’INAO, la Lorraine produit chaque année près de 5 000 tonnes de quetsches, principalement sur le sillon mosellan (INAO).

  • Période : août à septembre
  • Saveur : sucrée-acidulée, chair ferme
  • Usages : tartes, confitures, eau-de-vie, clafoutis, viandes en sauce (le fameux lapin aux quetsches !)

Une anecdote marquante : pendant la Première Guerre mondiale, la quetsche a souvent servi de base à des confitures destinées aux soldats, car ses vertus énergétiques et sa conservation naturelle étaient très prisées.

Aujourd’hui, essayez la tarte rustique aux quetsches, tout simplement, ou goûtez l’eau-de-vie claire et puissante produite encore artisanalement dans des distilleries comme celle de Rozelieures, en Meurthe-et-Moselle.

Riche de vergers anciens, la Lorraine regorge de variétés de poires souvent passées sous silence. On y rencontre notamment la poire Curé, la Louise-Bonne d’Avranches ou encore la Comtesse de Paris. Leur culture reste confidentielle, mais quelques passionnés perpétuent la tradition, à l’instar des arboriculteurs de la région de Bayon.

  • Période : septembre à novembre
  • Saveur : douce, parfois musquée, texture granuleuse ou fondante
  • Usages : à croquer telle quelle, en tartes rustiques, pochées au vin gris de Toul, en sirop artisanal

La poire ancienne se marie superbement avec du fromage local (essayez-le avec une part de Munster affiné ou de tomme de Meurthe-et-Moselle), ou tout simplement en compote rehaussée d’un soupçon de cannelle.

Saviez-vous qu’à la fin du XIXe siècle, une centaine de variétés de poires étaient recensées dans nos vergers ? Une richesse qui renaît timidement, grâce à des initiatives telles que le Conservatoire des Éspèces Fruitières Lorraines, basé près de Nancy.

Moins glamour que la cerise mais ô combien précieuse, la groseille occupe une place de choix, surtout sur les hauteurs des Vosges. C’est ici qu’a vu le jour la fameuse confiture de groseilles épépinées à la plume d’oie, spécialité de Bar-le-Duc, surnommée jadis le « caviar de Lorraine » — vendue entre 80 et 100 euros le kilo (source : France 3 Lorraine).

  • Période : juin à juillet
  • Saveur : vive et acidulée, éclat de fraîcheur
  • Usages : gelée, confiture, accompagnement de gibier, tartes fines

Pour l’anecdote, la tradition d’épépiner chaque groseille à la main, à l’aide d’une simple plume d’oie, perdure encore dans quelques maisons artisanales. Stéphane Renaudot de la Maison Dutriez à Bar-le-Duc maintient ce savoir-faire, dont la minutie évoque la haute horlogerie suisse !

Si la Lorraine n’égale pas la Normandie côté pommes, elle n’est pas en reste. On y cultive encore des pommes originales : la Rambour d’Hiver, la Reinette de Lorraine ou la Président Roux. Le nord du département de Meurthe-et-Moselle abrite de petits vergers familiaux et le marché d’Haroué, rendez-vous annuel des curieux et collectionneurs de fruits anciens (cité par Lorraine Tourisme).

  • Période : septembre à mars
  • Saveur : acidulée, parfois sucrée, parfum subtil
  • Usages : compotes, tartes traditionnelles, pâtisseries, croquées fraîches

Fait intéressant : la Lorraine abrite près de 80 variétés de pommes anciennes, parfois mises à l’honneur dans des cidres artisanaux, comme ceux de la ferme du Plateau (près de Pont-à-Mousson), ou lors de dégustations à la Fête des Fruits à Champenoux.

Les bois lorrains (notamment ceux des Vosges et du Pays-Haut) sont une mine inépuisable de petits fruits : cassis, mûres, framboises sauvages, myrtilles. À la belle saison, c’est une tradition familiale de partir à la cueillette du dimanche, panier à la main.

La myrtille (« brimbelle » en patois lorrain) est reine dans les Hautes Vosges. Fête de la Brimbelle à la Bresse, tartes généreusement garnies et fameuses eaux-de-vie — les distilleries Peureux à Fougerolles en produisent notamment des litres et des litres : c’est un vrai fleuron du patrimoine régional.

  • Période : juin à août
  • Saveur : douce ou acidulée selon l’espèce, teintée de notes boisées
  • Usages : tartes, sirops, confitures, liqueurs, nappage de fromages blancs

Anecdote : la myrtille sauvage occupe une telle place dans le roman familial lorrain qu’un certain Alfred Griot publia en 1900 un guide de la brimbelle, recensant recettes et croyances locales (source : Bibliothèque Numérique du Grand Est).

La Lorraine fut jadis un grand bassin de culture pour les noisettes, notamment autour de Toul et de Pont-à-Mousson. L’Association lorraine de la noisette recense encore aujourd’hui plusieurs dizaines de producteurs qui relancent la tradition du fruit à coque, propice à la pâtisserie, aux liqueurs et aux pralines artisanales.

  • Période : septembre à octobre
  • Usages : nature, en huile, en pralines, pâtisseries diverses

Restez curieux : chaque automne, certains marchés locaux proposent des dégustations d’huiles de noisette extra vierge, qui relèvent une salade ou un fromage frais comme aucune autre.

Depuis dix ans, la Lorraine voit fleurir de nouveaux projets autour de la valorisation des fruits oubliés : baies de sureau, nèfles, arbouses, cornouilles. En 2022, la Chambre d’Agriculture du Grand Est listait 15 nouvelles exploitations pilotes valorisant des fruits sauvages ou réintroduits dans le circuit court.

  • Sureau : baies pâtissières et médicinales, utilisées pour des sirops et des gelées
  • Arbouses : petits fruits acidulés, croquant sous la dent, appréciés en sorbet
  • Nèfles : cultivées sur micro-vergers, à consommer bien blet
  • Cornouilles : baies rouges parfaites pour la confiture ou l’eau-de-vie artisanale

Ce retour à la diversité fait la part belle à de jeunes producteurs, comme la micro-ferme Fruiti’Rural à Épinal, qui propose désormais des paniers de baies oubliées aux restaurateurs et aux particuliers.

  • Marchés locaux : Nancy (place Charles III, marchés de Nancy), Toul, Lunéville, Bar-le-Duc, nombreux producteurs présents à la belle saison.
  • Points de vente à la ferme : La Ferme des Fruits Rouges (Vaucouleurs), Verger de la Côte à Villers-lès-Nancy.
  • Fêtes gourmandes : Fête de la Groseille (Bar-le-Duc, juillet), Fête de la Brimbelle (La Bresse, août), Journée de la Noisette (Toul, octobre), Fête des Fruits (Champenoux, septembre).
  • Circuits courts et AMAP : Plusieurs AMAP mettent à l’honneur de jeunes arboriculteurs et des associations de sauvegarde des variétés anciennes.

Les richesses fruitières de Lorraine dessinent un paysage gourmand que le temps n’a pas altéré. Entre héritage et renouveau, chaque fruit local invite à explorer l’histoire, les saveurs et l’humain derrière chaque verger. Laissez-vous tenter par une cueillette impromptue ou poussez la porte des conservatoires et producteurs de nos villages : de délicieuses surprises vous attendent au fil des saisons.