Charcuterie lorraine et Côtes de Toul : le mariage parfait pour éveiller vos papilles

28 octobre 2025

C’est une scène bien connue en Lorraine : une grande table, les rires qui fusent, et au centre, un généreux plateau de charcuterie locale. Mais que serait cette ambiance sans un bon vin de chez nous, tout droit venu des Côtes de Toul ? Ce vignoble, moins médiatisé que ses voisins bourguignons ou alsaciens, cache pourtant de fabuleux flacons, taillés pour accompagner la chair finement salée et parfumée de nos saucissons, jambons, terrines et autres gourmandises artisanales.

Situé à l’ouest de Nancy, le vignoble s’étend sur une centaine d’hectares et regroupe huit villages en appellation AOC, autour de Toul. Les Côtes de Toul sont certes modestes en superficie, mais grandes par la typicité de leurs vins (source : Vins de Lorraine, Comité Interprofessionnel des Vins de Lorraine).

Avant de jouer les alchimistes du goût, un tour rapide des couleurs s’impose :

  • Le Gris de Toul : la star locale, un vin de couleur saumon pâle, frais, délicatement fruité.
  • Le Pinot Noir (rouge) : un vin léger, sur le fruit, parfois épicé, parfait pour les instants conviviaux.
  • Le blanc auxerrois : un vin blanc sec ou plus rond, issu du cépage auxerrois, rare ailleurs, cultivé ici depuis le XVIe siècle.

La production annuelle avoisine les 6 à 8 000 hectolitres, à 60 % dédiée au Gris, 30 % au Pinot Noir, le reste en blanc (source : INAO, 2023).

Difficile de parler d’accords sans évoquer ce qui fait saliver d’avance :

  • Jambon sec de Lorraine
  • Saucisson lorrain
  • Pâté lorrain – le fameux en croûte !
  • Andouille du Val d’Ajol, un peu plus au sud, mais souvent présente sur nos planches
  • Museau, saucisse de Morteau, terrines maison...

Chacun a ses parfums, gras, poivre, fumé, ail ou fines herbes. Le challenge : trouver le vin qui saura révéler sans écraser.

Le Gris de Toul, l’inséparable de l’apéritif charcutier

Impossible de parler charcuterie en Lorraine sans évoquer le Gris de Toul. Avec 12 à 13 % d’alcool, une acidité vivifiante grâce à son assemblage majoritaire de gamay et pinot noir, ce vin rosé atypique s’invite à l’apéro comme à table.

  • Saucisson sec et Gris de Toul : le côté salé et poivré d’un saucisson lorrain appelle la fraîcheur du gris, sa légère acidité nettoie le palais entre chaque bouchée. Accord classique, efficace, unanimement reconnu (source : Guide Hachette des Vins, édition 2023).
  • Pâté lorrain et Gris de Toul : la croûte dorée, la viande délicate relevée d’herbes, sont réveillées par la trame fruitée et une pointe tannique du vin, qui équilibre parfaitement le gras du feuilletage.
  • Jambon sec de Lorraine : le Gris s’impose ici aussi, son profil désaltérant évite la lourdeur, et son fruité (fraise, groseille, pomme) flatte le gras persillé du jambon.

A noter : même à température de cave (12-14°C), le Gris dévoile plus d’arômes qu’à l’extrême fraîcheur.

Le Pinot Noir de Toul, pour les charcuteries de caractère

Les rouges des Côtes de Toul sont plus confidentiels (moins de 30 000 bouteilles/an !), mais savent se défendre à table. Ces pinots sont sur la fraîcheur et le croquant, loin des pinots bourguignons musclés.

  • Andouille du Val d’Ajol : la puissance fumée et poivrée appelle un rouge plus charnu, mais sans excès tannique. Le pinot noir local, tannins fins, fruits rouges acidulés (griotte, cassis) est idéal pour souligner la richesse de cette charcuterie sans la dominer.
  • Museau vinaigrette : sur l’acidité d’une vinaigrette maison, le pinot se glisse sans fausse note, il apporte une continuité "fruitée-acidulée" qui fait mouche.
  • Saucisson à l’ail : la trame légèrement épicée du pinot noir, son bouquet léger sur la cerise et la groseille, font écho à la rondeur et au piquant de l’ail.

Le blanc auxerrois, l’art du contrepoint

Moins connu que le Gris, l’auxerrois produit en Côtes de Toul (moins de 10% de la production totale) impressionne les amateurs en quête d’accords inattendus. Plus floral, parfois gras, il offre une alternative précieuse pour certaines charcuteries :

  • Terrine de foie de volaille : la finesse et l’onctuosité du vin blanc rondelet, avec ses notes de poire et de fleurs blanches, épousent la texture délicate du foie.
  • Charcuteries à l’estragon ou aux herbes : l’apport herbacé trouve un écho dans la palette aromatique de l’auxerrois, souvent marqué par la fraîcheur.
  • Jambon blanc : accord simple, frais, qui met en lumière le côté salin et moelleux.

Un bon accord, c’est une question d’équilibre et de contraste maîtrisé. Quelques rappels pratiques issus du terrain :

  • Varier les textures (sec, moelleux, en croûte) sur le plateau de charcuteries.
  • Privilégier la fraîcheur côté vin, tant en température qu’en termes d’arômes jeunes (éviter les cuvées très évoluées pour l’apéro notamment).
  • Respecter la saison : en été, n’hésitez pas à servir Gris bien frais ; en automne-hiver, le rouge pinot noir légèrement tempéré (15°C) fait merveille.
  • Ne pas négliger les pains : un pain de campagne dense, aux noix, ou une baguette tradition, subliment vin et charcuterie.
  • Osez les condiments ! Quelques pickles, cornichons lorrains ou même une pointe de moutarde ancienne réveillent le duo charcuterie-vin.

Idées de producteurs et lieux emblématiques

  • Domaine Lelièvre (Luzy-Saint-Martin) : réputé pour la précision de ses Gris et la fraîcheur de ses Pinots.
  • Maison Laroppe (Bruley) : pionnière de la relance des vins de Toul, à découvrir pour la diversité de ses cuvées.
  • Charcuterie Lejeune (Nancy) : jambon sec affiné sur place, convivialité assurée.
  • Ferme du Sonvaux (Pagny-sur-Moselle) : terrines artisanales et saucissons exceptionnels.

Pour plus d’inspiration, la route des vins de Toul (officielle depuis 1991, source : Comité Départemental du Tourisme 54) offre aujourd’hui plus de 20 étapes gourmandes à explorer.

Petit clin d’œil à l’ouverture : le Gris de Toul ne se cantonne pas à la tradition lorraine ! Essayez-le sur un chorizo ibérique, ou même sur une coppa corse : la bouche reste fraîche, le vin se faufile entre les épices, preuve que notre rosé régional n’a rien à envier aux rosés de Provence pour jouer les globe-trotters de l’apéro.

Pour les plus aventureux, un accord "fusion" avec une charcuterie asiatique (lap cheong fumé, par exemple) et un Gris légèrement évolué surprendra par ses arômes de fleurs séchées et d’épices douces.

Le vignoble des Côtes de Toul s’impose doucement mais sûrement comme un allié de choix pour les amateurs de plateaux de charcuterie. Que vous soyez adepte du traditionnel Gris, curieux des pinots noirs croquants ou tenté par les blancs secs d’auxerrois, il y a toujours de quoi surprendre et ravir vos convives.

L’essentiel ? Oser goûter, découvrir, inviter la diversité à votre table… et partager. En Lorraine, le terroir se savoure toujours mieux à plusieurs !