Secrets de conservation et plaisirs de dégustation : l’art de savourer un fromage lorrain

11 septembre 2025

Le froid, mais pas trop !

Contrairement à une idée reçue, le réfrigérateur n’est pas l’ami parfait du fromage ; il est parfois son pire ennemi. Beaucoup de fromages lorrains – le Munster Géromé AOP, le Carré de l’Est, la Tomme de Lorraine, le Bargkass – révèlent toutes leurs subtilités à une température plus douce. L’idéal ? Entre 8 et 12°C, soit une cave naturelle ou une cave à fromages domestique (Source : Institut National de l’Origine et de la Qualité).

  • Si vous n’avez pas de cave : Le bac à légumes au bas du réfrigérateur reste la meilleure option. Gardez le fromage dans son emballage d’origine ou enveloppez-le dans du papier fromage (jamais de plastique hermétique : l’humidité stagnante tue les arômes !).
  • Évitez le vrac : Un fromage laissé à l’air dans le frigo absorbe facilement les odeurs (et parfume son voisinage !). Utilisez des boîtes à fromages percées ou légèrement entrouvertes.
  • Pour les fromages à pâte persillée : Emballez-les séparément et changez régulièrement le papier, car ils aiment l’humidité mais redoutent la moisissure indésirable.

Anecdote : Savez-vous que les Lorrains utilisaient autrefois des « staub », grands garde-mangers en grès, pour conserver fromages et charcuteries, à l’abri des rongeurs et des fluctuations de température ?

  • Fromages frais (type brouère frais) : À consommer dans les 3 à 5 jours suivant l’achat.
  • Fromages à pâte molle (Munster, Carré de l’Est) : 1 à 2 semaines, emballés soigneusement.
  • Fromages à pâte pressée cuite (Brouère, Tomme de Lorraine) : Jusqu’à 4 semaines, dans de bonnes conditions.

Petite astuce : un fromage un peu sec ou durci se ressuscite avec une goutte de lait entier ou de crème épaisse, le temps d’une nuit sous cloche.

Une question de maturité… et de goût

Les fromages lorrains ne vieillissent pas tous pareil ! Par exemple, plus le Brouère prend de l’âge, plus il développe des notes de fruits secs et de sous-bois. Le Munster, quant à lui, devient de plus en plus intense, à la limite du piquant. Certains lorrains ne jurent que par un Brie de Meaux « bien fait », très coulant, quasi dégoulinant – question de tradition familiale !

Rien de pire qu’un fromage sorti directement du frigo… Pensez à le libérer 30 à 60 minutes avant de passer à table, pour qu’il s’exprime pleinement, comme un bon vin (source : Centre Fromager de Nancy). À température ambiante, la texture s’assouplit, les saveurs se multiplient, même l’odeur change : c’est une toute autre expérience !

  • Découpez les fromages que juste avant de servir. Un fromage trop longtemps à l’air libre commence à sécher.
  • Disposez ceux à croûte fleurie en dernier sur le plateau : leurs arômes sont puissants et pourraient dominer les autres.

Un plateau lorrain typique ira du plus doux au plus corsé : tomme, Carré de l’Est, puis Munster ou Brouère affiné. Cette progression régale les papilles sans saturer l’odorat.

La diversité lorraine se prête aux plus jolies associations : imaginez une ronde où se côtoient Tomme de Meurthe aux truffes, Cœur de Lorraine, Saint-Epvre, Carré de l’Est et, pour finir, l’incontournable Munster de la vallée de la Vologne. Quelques compagnons parfaits :

  • Noix toastées (de la vallée de la Moselle)
  • Pains au levain, baguette tradition ou pain aux fruits secs
  • Mirabelles séchées
  • Pâte de coing ou gelée de groseille

Anecdote historique : La famille Millet, fromagers à Abreschviller, propose depuis 1926 un Brouère « timbré », moulé et estampillé d’une faïence ornée, expédié en voyage… jusque dans l’ISS (« Fromages de Lorraine, éditions Ouest-France »).

On associe souvent le fromage à un vin rouge puissant, mais la Lorraine réserve bien des surprises… Pourquoi ne pas rester régional ? Un Gris de Toul frais accompagne à merveille un fromage à pâte molle, tel que le Carré de l’Est ou un Munster jeune. La finesse du Gamay ou du Pinot Noir de Moselle évite de saturer le palais.

  • Tomme de Lorraine : Optez pour un Auxerrois de Moselle, sec et fruité.
  • Munster : Tentez le mariage avec un Pinot Gris de Toul, étonnamment aromatique.
  • Brouère vieux : Un chardonnay élevé en fût ou un crémant de Lorraine brut relèveront les notes lactiques et noisettées.

Petit guide expérimental : Lors d’une dégustation organisée par l’association Fromages et Terroirs Lorrains à Baccarat, 80 % des convives ont préféré l’accord Munster – Gris de Toul, là où la moitié penchait spontanément vers le rouge. De quoi bousculer les habitudes ! (Source : Association Fromages et Terroirs Lorrains, enquête 2022)

Pas besoin d’être affineur pour choisir un bon fromage. Voici quelques repères simples :

  • La couleur : Blanche à ivoire pour les pâtes fraiches ; jaune soutenu à orangé pour les pâtes pressées. Un Munster « bien fait » gagne une fine croûte orangée grâce à la « croûte lavée » au rocou naturel (pas d’additifs !).
  • L’odeur : Puissante mais jamais ammoniacale (signe d’altération). Fruits secs, champignons, points lactiques s’invitent selon le degré d’affinage.
  • La texture : Un fromage doit offrir une certaine souplesse ; trop sec ou fissuré = manque de fraîcheur. À la coupe, privilégiez une pâte homogène, sans « yeux » excessifs (trous irréguliers).

A savoir : Le Carré de l’Est, inventé en 1872 à Raon-l’Etape, se distingue par sa croûte légèrement rosée et sa texture mi-molle, quasiment unique en France !

Rien de plus triste qu’un reste de fromage oublié. Les Lorrains ont la solution : tout se recycle ! Les croûtes durcies du Brouère finissent dans une soupe paysanne, le Munster subsiste en quiche, la Tomme fond dans une omelette aux herbes sauvages. Une tradition bien ancrée depuis le XIXe siècle, quand rien ne se perdait à la ferme…

  • Soupe gratinée au fromage râpé : Les restes de croûte de fromages pressés ajoutent un goût savoureuxà vos potages hivernaux.
  • Tarte à la mirabelle et restes de tomme : Testez le mariage sucré-salé en râpant la tomme sur votre tarte en fin de cuisson.

La lutte contre le gaspillage alimentaire est plus que jamais d’actualité : selon l’ADEME, chaque Français jette encore 20 à 30 kg d’aliments par an, dont 7 kg de produits encore emballés !

Savourer un fromage lorrain, c’est perpétuer un art de vivre : les producteurs de Meurthe-et-Moselle aiment rappeler que chaque meule, chaque carré, est le fruit d’une histoire familiale, d’un geste précis, parfois transmis sur trois générations. Certains affineurs ouvrent encore aujourd’hui leur cave une fois l’an aux villages voisins, pour une dégustation collective où le fromage coule à flot, accompagné du fameux vin gris.

Prendre le temps de choisir, conserver au mieux, et savourer dans les règles de l’art… un art de vivre que la Lorraine continue d’incarner, entre simplicité, gourmandise et transmission du goût.

Pour prolonger l’aventure : De nombreuses fermes ouvrent leurs portes au public (voir LorraineauCœur–Fromageries) : une belle occasion de rencontrer ces artisans passionnés et d’approfondir, le temps d’une dégustation guidée, tout ce savoir-faire si particulier à notre belle région.